Introduction |
Sensibilisé depuis longtemps à l'image de synthèse, j'étais
gêné par la difficulté qu'à cette technologie à recréer une ambiance
comparable à celle du dessin 2D d'un artiste.
En plan fixe normal, le dessin a un rendu et une liberté très
supérieurs à la 3D , tout en étant plus économique.
Hélas, dès qu'il y a déplacement ou relief stéréo, le dessin 2D ne fonctionne plus.
L'univers très graphique du film d'animation 2D "Le magasin des suicides" de Patrice Leconte et le caractère optionnel du relief sur ce film imposaient la mise en place d'une solution de relief très respectueuse du rendu initial des artistes. Il était en effet hors de question d'utiliser du mapping 3D, qui aurait entre autre imposé une restriction sur les perspectives très libres des dessins 2D.
Ce film à donc été l'occasion pour moi de proposer une solution originale que je présente ici.
Démarche |
La perception du relief est obtenue par la vision simultanée de 2 images distinctes (une pour chaque œil) . Le point de départ de ma réflexion a consisté à considérer que l'image destinée à l'œil gauche pouvait ne subir aucun traitement (elle sera fabriquée comme s'il s'agissait d'un film sans relief). Ainsi, seule l'image destinée à l'œil droit subirait un ensemble de transformations des éléments de la première image pour provoquer la perception du relief.
Cette contrainte a comme principal intérêt de ne pas toucher à l'aspect initial de l'image.
J'ai ensuite retenu plusieurs méthodes complémentaires pour fabriquer l'image destinée à l'œil droit (que j'appellerai "image droite"dans ce document).
Considérons un point Pg(x,y) appartenant à l'image gauche. Sa position correspondante dans l'image droite - Pd(x,y) - peut être calculée dès l'instant ou on attibue au point Pg() une profondeur (ou distance à l'observateur) nommée ici Pg(z). La position correspondante Pd(x,y) consistera en un déplacement latéral du point Pg(x,y,z).
Comme nous n'avons ici aucune caméra, les notions de focale et d'angle entre 2 caméras (paramètres indispensables pour le paramétrage de la vision relief), seront simulés par des constantes intervenant dans le calcul du déplacement à opérer entre Pg(x,y,z) et Pd(x,y) .
Remarque: le déplacement latéral peut se faire vers la droite si le point est en jaillissement (situé entre le spectateur et l'écran de projection) ou vers la gauche si il se situe derrière l'écran.
En animation traditionnelle (ou animation 2D), une scène est construite à partir de cellos qui sont des fichiers images représentant des éléments distincts de la scène. Ex le décor, des éléments du décor en avant plan, un personnage …
Dans ce type d'animation, on peut être amené à placer ces
éléments à des profondeurs différentes. ( cette technique, dite de
"multiplan" est utilisé classiquement pour donner plus de profondeur
aux mouvements de caméra)
Dans cette configuration, l'image de droite peut alors être construite
en décalant latéralement chaque élément de la scène (ou cello) en
fonction de sa profondeur.
Le calcul de ce décalage se fera par la méthode vu plus haut.
Principe du multiplan classique. Les cellos sont positionnés à des distances différentes à la caméra. | Adaptation du multiplan à la vision stéréoscopique. On voit ici que les cellos sont vu par l'œil droit avec un decallage latéral proportionnel à leur distance à l'observateur |
Le résultat donne une impression d'éléments plans Ã
différentes profondeurs, un peu comme un livre pop-up.
Par contre cette méthode s'avère inefficace sur des éléments
représentant des plans inclinés comme le sol ou des murs latéraux.
Cette deuxième solution (qui se cumule naturellement à la
première) va consister à indiquer sur un élément donné ( par exemple le
sol ou un mur latéral ) des informations d'inclinaison.
A partir de ces indications, le logiciel calculera les déformations Ã
appliquer à ce cello pour qu'il corresponde à ce que doit voir l'œil
droit.
Cette technique va permettre de mettre en relief les plans inclinés
contenus dans la scène.
Cette troisième solution (qui est une optimisation de la 2ème)
va consister à positionner sur un élément donné (par exemple un
bâtiment) des informations de profondeur sur des points déterminants de
l'image. Concrètement, on placera des points de profondeur aux angles
d'un bâtiment, aux coins d'une fenêtre, ou même aux angles d'une pièce
dans le cas d'un décor d'intérieur.
La déformation du cello s'effectuera alors après recalcul des nouvelles
positions latérales de ces points de profondeur appliqués à l'image
droite.
Cette technique va permettre de donner du volume à tout élément de nature géométrique comme un bâtiment, une porte, une caisse,l'intérieur d'une pièce, d'un couloir ... mais aussi a des formes arrondies ( boule, colonne ) à condition d'augmenter le nombre de ces points de profondeur.
Placement des points de
profondeur sur le cello.
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En vert: nouvelles positions de
ces points calculés en fonction de leur valeur Z.
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Cello après transformation numérique, maintenant adapté à la perspective de l'image droite. |
Comme on part d'un dessin, le cadrage est imposé par le dessin.
Se pose alors le problème du changement de cadrage (cas des mouvements
de caméra dans le dessin animé).
Une solution possible consiste alors à recalculer la position de chaque
cello (comme c'est déjà le cas dans un multiplan classique) pour ce
nouveau cadrage et d'appliquer cette même méthode aux points de
profondeur.
On aura alors un rendu du mouvement très réaliste, proche de ce que
l'on aurait pu obtenir par la méthode de «caméra mapping» utilisée dans
les logiciels 3D.
Outil d'édition |
La mise en profondeur d'une scène 2D avec cette technique peut s'avérer
relativement laborieuse sans un outil de visualisation et d'édition
adapté.
En effet, contrairement à une scène 3D ou les éléments sont conçus en
volume et ou leur positionnement s'effectue dans un espace en 3
dimension, on doit ici donner à des éléments dessinés à plat des
informations de profondeur (ou de distance à la caméra) sans repères
objectifs.
Cette tâche relativement simple tant qu'il s'agit de séparer les cellos
les uns par rapport aux autres sur différents plans Z, devient
pratiquement impossible (sans un outil spécifique) lorsqu'il s'agit de
caler entre eux des cellos inclinés ou des cellos déformés.
A titre d'exemple, sans un outil de visualisation adapté, le calage adéquat d'un personnage vertical sur un sol (qui est un élément incliné) devient une tache complexe. Le résultat d'un mauvais positionnement sera un personnage qui semblera en vision relief, soit léviter, soit être enfoncé dans le sol.
La solution adoptée à consisté alors à créer un outil de visualisation qui affiche les éléments de la scène dans un espace 3D en fonction de leur informations de profondeur.Conclusions |
Un dessin contient naturellement des informations de
perspective (surtout un décor) et on se rend très vite compte qu'il
n'est pas nécessaire d'en faire beaucoup pour que la magie opère.
En effet, quelques éléments principaux mis en perspective par le biais
de cette technique suffisent à donner au spectateur l'impression de
profondeur; et contrairement à la 3D relief, c'est le dessin, par sa
perspective dessinée, ses ombres et ses lumières, qui fera le reste du
travail.
De plus, il semblerait que ces images 2D reliefs soient moins fatigantes visuellement pour le spectateur que les images 3D relief.
Enfin, par le biais de cette méthode, l'animation 2D retrouve un nouveau souffle en ayant elle aussi accès à l'univers du relief.
Exemples d'Images Relief |
Contact : stephane@comparetti.com |